Cette
bouteille est une parmi les nombreuses que j'ai trouvées dans le lac
Memphrémagog. On peut y lire en relief "The Great Shoshonees Remedy of
Dr. Josephus". Curieuse et intrigante, je replonge dans divers ouvrages
afin de connaître l'usage de cet élixir.
Une réclame dans le journal "Victoria Warder", le 18 janvier 1871,
annonce que ce remède donne des résultats inespérés aux usagers. Il est
fabriqué par l'éminent sorcier indien, le docteur Lewis Josephus, de la grande
tribu des Shoshonees de la Colombie-Britannique. Jamais, dit-on, dans l'histoire
canadienne de la médecine, un médicament n'a connu autant de succès. Le
secret est peut-être dans quelques ingrédients énumérés: écorce de
cerisier sauvage, Juniper, Quassia, Dandalion, Podophyllum (purgatif drastique),
Jalap (autre purgatif drastique), Socotrine, Hyoscamus (plante mortelle pour les
cochons), Capsicum (utilisé dans les onguents et huiles, comme analgésiques
dans "Heet", "lnfra-Rub"), Smartweed, etc. Les notes entre
parenthèses proviennent du livre Pharmacognosy, donné à la société
d'histoire par le docteur Yves Lacasse, toxicologue de réputation
internationale. Ce qui n'est pas quantifié, c'est la dose d'opium et d'alcool
contenu dans ce fameux tonique. Cependant, plusieurs préparations semblables
décrites fixent à 80% le taux de volume d'alcool, ce qui en fait un bon petit
remontant.
On attribue à ce médicament des qualités plaisantes et sans danger avec la
garantie de guérir toutes les maladies reliées à la gorge, poumons, foie,
reins, système digestif, même le scrofuIe. On avait même l'honnêteté de
dire que ce médicament ne guérissait pas les personnes atteintes de
consomption au 3e degré.
Un pamphlet plus détaillé était disponible sans frais, chez les
apothicaires et droguistes du Dominion. Le prix du médicament était 1$, le
contenant était probablement canadien car on y lisait: "Grosse
Pinte", comparativement à la pinte américaine qui contient 20% de moins
que la pinte impériale.
L'encyclopédie Britannica rapporte que la tribu des Shoshonees était une
des plus grandes et importantes tribus indienne en Amérique du Nord. Elle
faisait partie de la famille Uto-Aztèque qui avait occupé les territoires à
l'ouest de l'état du Wyoming, le sud de 'Idaho et le nord du Nevada. À la page
146 du livre "Bottles in Canada", par Doris et Peter Unitt, on
met en doute que le médicament soit canadien, n'ayant retrouvé aucune trace de
ces Indiens dans le livre "Indians of Canada" de l'auteur
Diamond Jenness. Je suis convaincu du contraire en me basant sur l'annonce parue
dans le journal "Victoria Warder" de la Colombie-Britannique qui
spécifie que le fameux docteur Josephus est de la Colombie Britannique et de la
tribu des Shoshonees. Il se peut que le docteur Josephus, qui se dépeint comme
sorcier guérisseur indien, soit devenu docteur par la pratique plutôt que par
ses palmes académiques.
Une autre caractéristique de cette bouteille est qu'au fond de celle-ci. une
mouche a été coulée dans le verre, ce qui en fait une pièce unique. Il est
facile d'imaginer qu'avec les normes du ministère de la Consommation en 1986,
cet incident serait matière à de nombreuses enquêtes. Et peut-être de
démissions de ministres retentissantes...
Pour en venir à ces conclusions, je vous énumère quelques livres et
ouvrages consultés: Bottles in Canada, Buskin Joe, Eastern Townships Gazette
and Directory (1875), Pharmacognosy, 8e édition Encyclopedia Bntannica, Webster
Dictonnary (1877), Larousse (1977), Larousse français-anglais (1978), Histoire
des Indiens, 3 vol. par Bernard Assiniwi. les Abénakis d'Odanak et un peu
d'imagination...
Cette bouteille provient du fond du Lac Memphrémagog qui vous a livré un
autre petit mystère de sa fabuleuse histoire.